par angèle casanova

Dead end, par Pierre Ménard (liminaire)

vendredi 3 mai 2013



« L’image a toujours le dernier mot. » Cette phrase de Roland Barthes que je ne connais pas (je ne sais pas de quel ouvrage elle est extraite), aperçue dans le métro new-yorkais, me trotte dans la tête tout au long de notre découverte de Greenpoint. Elle m’attire, m’intrigue, me trouble, m’inquiète et me rassure en même temps. Je lui trouve des accents sentencieux qui me font réfléchir.

New York est un grand village avec des quartiers variés mélangeant différentes cultures et pays d’immigration. C’est dans Brooklyn et le Queens que le communautarisme est le plus marqué, avec ses quartiers irlandais,russe, hindou, chinois et coréen. Il n’y a pas de délimitation précise de Little Poland. L’essentiel de ce secteur se trouve au nord de Brooklyn, autour de Manhattan avenue, entre les stations de métro Greenpoint Avenue et Nassau Avenue. Sur la ligne G.

Little Poland s’est constituée à l’arrivée massive d’immigrants polonais à New York autour de 1900.

En commençant notre périple dans ce quartier, je ne peux m’empêcher de penser aux safaris photos qu’organise David Michaud à Tokyo au Japon.
C’est la première fois que j’ai entendu parler de ce concept. Marcher dans la ville, en marquant quelques pauses au fil du parcours, dans des endroits privilégiés. La ville s’offre à nous comme une jungle dans laquelle partir à l’aventure de clichés à attraper, d’animaux à chasser : photographies aux cadres sélectionnés, méticuleusement choisis, pour donner une image de la ville au plus près de ce que nous imaginons.

Avant de pénétrer dans la partie polonaise de ce secteur, nous errons dans un dédale de gigantesques entrepôts. Certains sont abandonnés, d’autres encore en activité. Lieux en devenir, en mutation. En suspens. Hors des sentiers battus. Cet endroit me rappelle le canal de l’Ourcq et les bâtiments industriels de Pantin qui sont progressivement détruits ou restructurés pour accueillir les entreprises florissantes de l’époque : banque, assurance, et publicité.

Un grand réservoir d’eau abandonné, point de mire qu’on aperçoit de très loin, nous accueille avec ce message inattendu : « Save the Palestine » écrit d’un côté, et le drapeau Polonais de l’autre côté.

Surprise de trouver au milieu de nombreux entrepôts de briques et tôles ondulées aux toits passablement rouillés, un minuscule salon de thé proposant thé, café, et cupcakes. À l’intérieur des habitués dont on se demande bien d’où ils viennent, rien alentour ne laissant présager de domiciles, ou de bureaux où ils pourraient vivre ou travailler, venant ici pour leur pause de la journée. L’un d’eux, au visage de fouine, mange ses céréales avec application, sans faire de bruit, le regard lointain. Certains entrepôts ont été transformés en lofts qui accueillent les travailleurs d’aujourd’hui, façon Open Space.

Le moment de bascule, de renversement. Nous traversons les vestiges d’un passé industriel dont il ne reste que quelques éléments encore en activité. Les murs de briques recouverts de peinture dont on peine à déchiffrer les lettres des anciennes enseignes, leur titre, leur nom s’efface avec le temps, la peinture s’écaille.

Dans la rue, le lent va-et-vient de gigantesques camions aux couleurs vives, manœuvrent dans ces rues qui, bien que larges, ne le sont pas assez pour le volume impressionnant de leur cargaisons.

Sarah, notre amie française qui vit à San Francisco et qui est de passage à New York pour assister au mariage d’un ami, est notre guide du jour. Elle nous parle du rapport ambigu des américains à la convivialité des échanges auxquels nous sommes si attachés en Europe. Cherchant à renforcer ses liens avec des amies américaines, elle leur propose un jour d’aller prendre ensemble un café, ce qu’elles acceptent après un léger temps d’hésitation. Au café, une fois leurs boissons achetées et quelques politesses échangées, elles proposent de s’en aller, laissant notre amie un peu frustrée et désappointée. Là où cette dernière souhaitait passer un moment de partage et d’échange, de discussions conviviales autour d’un café, elle se rend compte que les américains, dans leur grande majorité, ne conçoivent pas ainsi le café. On achète son café versé dans un grand gobelet en carton gardant le liquide au chaud, et on transporte jusqu’à son domicile ou à son travail en l’ingurgitant tout en marchant dans les transports en commun.

Sur une affiche du métro on annonce que la poésie est de retour. What´s next ? Poetry is back.

Little Poland ressemble donc à un petit village, avec au centre son église, et le long de « Main Street » les commerces et restaurants. Une ambiance de province américaine à deux pas de Manhattan. Dans les commerces, tout est écrit en polonais, les produits vendus sont typiques de ce qu’on trouve en Pologne. Des objets souvenirs, des journaux et des magazines en polonais, des costumes traditionnels, de nombreux portraits du Pape Jean Paul II, et même des bouteilles de Vodka en forme de Kalashnikov.

Hopefully, you feel transported.

C’est dans ce quartier que s’est déroulé la première nuit blanche à New York, avec des illuminations sur les bâtiments industriels abandonnés.

Delicious Combined

L’image a toujours le dernier mot.

Pierre Ménard (texte et photographies)

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