par angèle casanova

tant pis pour l’improbable, par Angèle Casanova

vendredi 5 juillet 2013




De son passage, il ne reste qu’une trace, qui court de barreau en barreau, le long de cette clôture métallique.

Elle a longé le collège. Elle s’est appuyée un instant contre la grille. Pour se reposer. Elle avait parcouru un long chemin. Fatiguée, elle s’est contentée de glisser de côté, de s’affaler contre la surface froide qui lui a arraché un soupir d’aise. Sa peau lisse s’est adaptée à la forme des barreaux. S’y est incrustée. Elle a pris tout son temps. Personne ne la voit. Alors, pourquoi se presser. Personne ne la voit, et pourtant de temps à autre, des gens passent. Un noctambule pressé de rentrer chez lui. Un chat en maraude. Elle ne bouge pas. Se fait le plus petite possible. Ils ne la voient pas. Jamais. Elle dépasse d’une tête les plus grands des hommes. Mais ils ne la voient jamais. Ils ne voient jamais ce qui les dépasse.

Une limace mesure au maximum cinq centimètres.

C’est connu. Alors personne ne la voit. Elle passe aisément pour un défaut de vision. Un voile nuageux. Une hallucination due à l’alcool. Les gens haussent les épaules, et passent leur chemin. Alors, elle n’hésite pas. Elle reste là. Le long de ce mur. A se reposer. Lorsqu’elle part, au petit matin, elle a laissé une trace brillante sur le métal. Une trace d’escargot. Géante. Personne ne la remarquera. Pour sûr. Ils ne voient que ce qu’ils sont censés voir. Tant pis pour l’improbable.

Angèle Casanova (texte)
Philippe Aigrain (photographie)


Texte initialement publié sur atelier de bricolage littéraire, le blog de Philippe Aigrain

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