par angèle casanova

la casse

vendredi 22 janvier 2016

le ciel est bas sur la casse
le métal ne brille pas
cabossé troué béant
il nous indique le chemin
vers la voiture

nous la reconnaissons vaguement
en faisons le tour plusieurs fois
enfants malhabiles
ne sachant plus quoi faire de ce jouet cassé
effrayant

alors nous tournons en regardant à travers les vitres

insensiblement nous ralentissons le mouvement
nous nous penchons pour mieux voir et comprendre
ce vrac étrange qui dépasse notre entendement

des cèpes jonchent l’habitacle
intacts ou écrasés c’est selon
la cagette à l’arrière est renversée

une sauce horrifique s’est cuisinée là-dedans
le sang se mêle aux cèpes
le trempe à la tomate
les seringues traînent à l’avant
et parlent de la violence des tentatives de réanimation

nous reculons
statiques

le temps passe

ma sœur ouvre la porte du conducteur
pour voir où elle est morte

dépassant sa répugnance elle s’assoit
je me penche à la porte et nous discernons ensemble
un point de lumière

un objet est coincé dans un pli
au niveau des pédales

ma sœur tire s’arcboute en tremblant

et ça apparaît dans sa main
comme par magie
en un abracadabra terrifiant

nous sommes trois montagnes immobiles
volcans éteints

la fin du monde a déjà eu lieu

ma sœur tient la chaussure de notre mère à bout de bras
et nous la regardons
comme si elle comme si nous avions l’éternité
devant nous

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