par angèle casanova

fantôme tutélaire

dimanche 30 septembre 2012

Boulevard quotidien. Mille fois je passe devant. Cette boutique. Vêtements de luxe. Ma conscience, ailleurs. Toujours. Main dans la main, regard descendant. Bras étirés par le poids des poches en plastique, supermarché tout proche. Regard porté sur mes pieds. Pourtant, de temps en temps, mes yeux effleurent cette vitrine. Un reflet jaune. Plus ou moins fixe. Des gestes au ralenti.

Un jour, je souris à mon fils, et mon regard croise le sien. Elle se tient, bien droite, au fond de la boutique. Impeccablement coiffée. Brushing blond vaporeux. De noir vêtue. Proche de la vieillesse, encore belle. D’une beauté ordinaire. Lisse. Réfrigérante. Grands yeux bleus très maquillés, mais sans vulgarité, petit nez, jolie bouche, traits réguliers. Rien de bien remarquable. Pas d’aspérités. Et pourtant ce regard. Lourd. Triste. Immuable. Il fixe la rue. Je me rends compte qu’il l’a toujours fixée. Et que je l’ai toujours su.

Alors je commence à la regarder. Discrètement. A son image. De longs mois. Son ennui. Sa tristesse. Fantôme tutélaire, elle voit tout. Sans quitter son poste. Elle attend. Au vu et au su de tous, elle passe cette vie publique à attendre. Quoi. Le soir peut-être. Le soir de la vie sûrement. Mais quoi. Qu’y a-t-il après.

Août. Fermeture annuelle de la boutique. Un mois peut-être.

Septembre. Je vaque. Rentrée. Course effrénée. Attention détournée. Un soir, je regarde à l’intérieur de la boutique. Une jeune femme. En lieu et place. Une autre. Une nouvelle. La blonde, disparue. Plus jamais revue.

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