par angèle casanova

de Malcolm X à Frederick Douglass

samedi 8 décembre 2012

Nous marchons le long de la 119e rue. Les brownstones se ressemblent comme des sœurs. Et pourtant. Chacune à ses encorbellements. Ses lignes. Ses matières. Chacune invente une nouvelle façon d’être une brownstone. Et puis. Délabrées, bringuebalantes. Ou au contraire. Décorées, pimpantes. Toutes les nuances existent. Autour des arbres qui longent la rue côté East et côté West, de petits rectangles de terre. Ceinturés de grilles, de parapets de planche ou de rien du tout. Parsemés de petits arbustes, de plantes, ou de rien du tout. Ce rien du tout dépend de la fibre jardinière des résidents de l’immeuble attenant. La ville n’offre pas de service public en la matière. L’entretien des espaces verts dépend du bon vouloir des riverains. L’association des habitants de la 119e rue veille au grain.
Nous allons donc de Malcolm X à Frederick Douglass. Géographie urbaine en résonance avec ma géographie intime. Leurs écrits accompagnent mes pas. La dureté de leur vie. Leur détermination.
Leur rayonnement intellectuel. A deux pas de là, sur le chemin de la bibliothèque de la 115e rue, la mosquée Malcolm Shabazz, celle de Malcolm X. Je passe devant tous les jours. Elle devient paysage quotidien. Arrière-plan. Une école en ses murs. Pourtant je ne vois personne. Figée dans l’espace. Elle attend peut-être le retour de Malcolm.
Nous allons donc de Malcolm à Frederick. Nous sautons de lecture en lecture. De grand homme en grand homme. Ricochet. Fusée éclairante. Les blocs ne sont plus des blocs. Ce sont des concentrés d’enthousiasme. De fierté. La ville semble neutre pourtant. Les taxis filent, les limousines ralentissent et klaxonnent, au cas où nous aurions besoin de leurs services. Les riverains riverainent. Les marchands de journaux attendent le chaland. Les roulottes de sandwich fument au coin des avenues. Les barber shops. Les épiceries sénégalaises. Conway. CVS. Fine fair. Tout est là. Et pourtant tout n’est pas là. Il y a plus. Toujours plus. Les anciens. Ceux qui sont partis quelque part. Au cimetière. Je ne sais où. Ils sont revenus. Ils sont tous là. Le long des rues. Contre les vitrines des magasins. Ils tiennent le mur. Pour toujours. Tant qu’il y aura des murs. Et même après. Harlem. Est vivant. Des millions de vies qui y ont vécu leur vie. Et puis sont parties. Dans la pauvreté. Le dénuement. Le bouillonnement. De tout. La joie. La foi. Oui, je donnerais ma vie à Dieu. Qu’elles disent. Beaucoup. Pendant la messe. Levant leurs bras au ciel. Flamme verte. Rose. Rouge. Monochromes. Fébriles. Extatiques. Oui. Je donnerais ma vie à Dieu.

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