ressource / humaine

Elle est une ressource humaine. Elle se le dit, se le répète. Une ressource. Humaine. Pour eux, plus ressource qu’humaine. Elle pense qu’elle aurait besoin de retrouver la source où, précisément, se ressourcer. La source qui transformerait cette passivité lémurienne d’habituée des coups durs en mécanique parfaitement huilée. L’huile doit être renouvelée régulièrement, c’est un fait établi. Par un pro, un mécano qui s’y connaît en rouages fragiles. Mais bon. Peu de structures investissent dans ce genre de mécanos. On fait l’économie. On se passe de. On préfère ne pas. On laisse pourrir. Total, engrippée, la ressource. Besoin d’un bain d’huile intensif longue durée, la ressource.
En y réfléchissant bien, elle se dit que l’essence du problème, c’est le découpage de l’expression, l’opposition qu’elle instaure entre les deux termes :

ressource / humaine

Elle se dit qu’un mot nouveau devrait être créé. Qui parlerait mieux. Qui mêlerait l’huile et l’eau, dépasserait l’impossibilité ontologique de leur union. Un pas de côté, une autre idée. Parce qu’oublier d’huiler la ressource, c’est oublier qu’elle est humaine.
Pourtant, elle en demande peu. Directives. Projets. Intelligence. Ecoute. Respect. Toutes choses bien hydratantes pour les plus délicates des ressources humaines. Et pourtant. Et pourtant elle en est là. Echouée sur le bord de la route. Plus d’huile dans ses rouages. A sec. La rouille l’envahit. Et la tristesse. Et la faim.
Sur le bord de la route, elle regarde passer les belles guimbardes. Elles pétaradent. Elles klaxonnent. Elles fanfaronnent. Mais elles n’en pensent pas moins. Leur carrosserie est lustrée à la peau de chamois. Mais bientôt, leur jauge d’huile indiquera le danger.

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ressource / humaine