par angèle casanova

trombones et fluo, une lecture des Vases communicants de novembre 2014, par Angèle Casanova

dimanche 9 novembre 2014



Merci à Brigitte Célérier de m’avoir donné ma chance. Cette première recension lui est dédiée. Allez lire la sienne, Pillage des vases avant le chant du violoncelle et autres.

Afin que nous trouvions chacune notre place dans ce nouveau dispositif, je propose que ma recension comprenne une lecture à voix haute des textes. Ce passage par l’oralité me semble important pour la compréhension, incarnée, de ce qui se dit et de ce qui se joue là.
J’ai créé pour l’occasion un compte Soundcloud des Vases communicants.
Vous êtes tous conviés, auteurs, lecteurs, à participer à ces lectures.
Si des contributions me parviennent dans les jours prochains, je les intégrerai à cette recension. Pour l’heure, Olivier Savignat et moi-même avons lu l’ensemble des Vases communicants de novembre 2014.
Si vous êtes intéressés, contactez-moi en commentaire, sur le compte Twitter des Vases communicants @vasecogroupe, ou sur le groupe Facebook.
Note du 3 janvier 2017 : Les lectures ont été supprimées de cet article, mon quota maximal de lectures étant atteint sur Soundcloud. Veuillez m’en excuser.





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François Bonneau et Giovanni Merloni
Une citation d’Albert Camus, deux étranges photographies de François Bonneau.

Seule la musique est à la hauteur de la mer, par François Bonneau @francoisbonneau
"La nappe est étalée dans son château intérieur,
Surface sans vraie limite, étendue faite de plis,
De vagues de lumière de replis de reflets.
"
Une solitude. Qui se dit en mots très simples. Petites touches descriptives. Un homme contemple son château intérieur. Celui qu’il s’est construit. Pourquoi. Pour se protéger de quoi. Nous n’en saurons rien. Et pourtant, il regrette. Et si seulement...


Seule la musique est à la hauteur de la mer, par Giovanni Merloni @GiovanniMerloni
"J’ai l’obsession de la boîte. Au jour le jour, je sors d’une boîte pour entrer quelques minutes après dans une autre. Ma liberté consiste en ce déplacement, dans l’insouciance de mes pas qui laissent sortir les pensées sombres pour accueillir à leur place les idées lumineuses. Dans le trajet d’une boîte à l’autre je deviens grand et même démesuré..."
L’histoire d’une vie à travers un motif. Celui de la boîte. La peur de l’enfermement. De la mort. De la vie peut-être. Surgit d’une litanie. D’une petite chanson d’enfance. Qui vient rythmer ce récit précis. Implacable. Un texte que j’aurais aimé avoir écrit.


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Jeanne et Franck Queyraud
"Celui qui lit. Celle qui ne veut plus écrire... Celui qui veut écrire." (Jeanne)

& à l’aube je me casserai les plumes., par Jeanne
"je ne peux plus.
écrire.
lasse d’avoir à poser des mots sur ce qui fait nos jours.
je ne veux plus.
écrire.
lasse des pleurs des cris des assassins des mensonges et j’en passerai (pour les besoins du jt et autres médias).
"
Un poème obsédant. Qui monte en puissance jusqu’à l’explosion. Des mots. De ce qui doit se dire. Je ne veux plus écrire. Avec les ravages que cela cause. Quand écrire a été important. Autant.
Un bilan. Un ressassement. Une chansonnette avec refrain. "& à l’aube je me casserai les plumes". Est-ce un oiseau qui parle ? Un être habitué au grand air, à survoler le monde ? Va-t-il tomber à l’aube, quand le monde semble une promesse ?
J’ai pris énormément de plaisir à lire ce texte. A le mettre en bouche. Dans ma bouche. Merci pour ce beau cadeau.


Celui qui…, par Franck Queyraud @MemoireSilence
"Tu mélanges tout… tu aimes jouer dans la boue… la prendre dans tes deux mains… la modeler, la serrer, la tordre…
Tu es devenu un immense sédiment.
Et par transparence, on pourrait voir les strates des matières qui se sont déposées au fil du temps. Mais la transparence n’existe pas.
Heureusement.
"
Un texte qui se lit d’une traite en haletant. Un texte qui appelle la lecture tout en la rendant difficile. Les fameux ... de Silence. Et pourtant. Au pied du mur, les choses se mettent en place. La lecture trouve son rythme. Ses aspérités. La rêverie s’installe au fil de l’introspection. Une rêverie douloureuse. Qui met à distance. Et permet. Pourquoi pas. D’envisager autre chose. Une transmutation. De celui qui lit. A celui qui écrit.


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Sébastien de Cornuaud-Marcheteau et Marianne Desroziers
Ecrire à partir d’une toile de William Mathieu, Questionnement Hantaï.
J’ai d’abord commencé par trouver ce titre mystérieux. J’ai fait quelques recherches sur le web, et trouvé mention du peintre Simon Hantaï, que je ne connaissais pas auparavant. Le motif du tableau de William Mathieu est inspiré des Tabulas, une série d’oeuvres de Simon Hantaï.
"Les Tabulas sont les dernières peintures réalisées par Hantaï, de 1973-74 à 1982. De très grand format, elles sont composées grâce à un pliage orthogonal fixé par un système de nouage. Une fois dépliées, elles présentent un réseau de carrés ou de rectangles d’une seule couleur, imprégnée de manière irrégulière, faisant vibrer la lumière sur la toile." (Simon Hantaï, dossier de présentation de son exposition au Centre Georges Pompidou, 2013).

Le bruit du glas, par Sébastien de Cornuaud-Marcheteau @labyrinthiques
"A-t-elle été assaillie de grégaires et bagarreurs digitigrades et leurs dresseurs ? A-t-elle glissé sur la glaise ? Le lit du ruisseau a des allures de beurre ! A-t-elle été distraite ? Stressée ? A-t-elle testé la brasse ? Et dessalé de gré le ballast du radeau ? Dieu seul le sait !"
Le bruit du glas est une nouvelle antilipogrammique. Bigre. Rien que ça. Elle n’utilise que les 13 lettres formant le titre LEBRUITDUGLAS. Une prouesse stylistique à mon sens. Et en plus, Sébastien arrive à nous tenir en haleine avec une histoire à enchâssement. Au premier niveau, un homme pleure son amour perdu. A grand renfort de périphrases plus ou moins incongrues (antilipogramme oblige). Au second niveau, le légiste nous livre ses premières observations sur la scène de crime. Car crime il y a, la belle n’est pas morte par accident ! Un texte drôle, fantaisiste, bref, une belle réussite pour la première participation de Sébastien aux Vases communicants !
Seul petit bémol : j’ai failli, je dis bien failli, le détester cordialement, pour les quelques 10 fois que j’ai dû relire sa nouvelle avant d’arriver à réaliser un enregistrement à peu près correct. A la lecture du texte, vous comprendrez pourquoi. Et vous me plaindrez de tout votre coeur. Sébastien, cela mériterait bien l’envoi d’un roudoudou ou d’un oeuf Kinder, histoire de te faire pardonner !


Couleurs et matières, par Marianne Desroziers @MarianDesrozier
"Tu t’enfonces en toi-même
Il fait sombre et humide
Dans ton souterrain
"
Marianne Desroziers regarde une toile de son compagnon. Parle-t-elle de lui ? Elle évoque les affres de la création, ses hésitations. Un poème simple, court, un instant T. Qui parle d’amour autant que d’art. Nous sommes de la même famille, Marianne.


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Danielle Masson et Wana Toctouillou
Le 1er octobre 2014, un graffiti a été effacé à Clacton-on-Sea. Pas n’importe lequel. Un graffiti de Banksy, déjà. Et puis un graffiti mettant en scène la haine de l’étranger.
Je profite du sujet de ce Vase communicant pour vous recommander chaudement le site très documenté d’Olivier Favier, On ne dormira jamais. Un gars que je pourrais bien avoir envie d’inviter pour un Vase communicant, un de ces jours.

Annabelle, l’hirondelle hors d’elle, par Danielle Masson
"Je l’avais senti mais je ne peux jamais rien refuser à cette nigaude de Dorothée.
Elle m’avait dit « Annabelle, filons à Clacton-on-Sea. Le nom est si joli et j’ai envie de voir la mer. »
Pourquoi aller me poser, nicher dans cette ville, Clacton-on-Sea, dont je n’avais jamais entendu parler de ma vie.
"
Le graffiti de Banksy propose un tel concentré de sens, est si fort, qu’il ne pouvait qu’inspirer l’écriture. Et Danielle Masson a choisi un biais original pour aborder la chose. Continuer sur la lancée de Banksy. Endosser son idée, la mener jusqu’au bout : faire parler l’hirondelle. Celle qu’on n’entend jamais. Et ce qu’elle dit vaut son pesant de cacahouètes. Drôle. Truculent. On devrait l’écouter plus souvent, cette hirondelle.
Ce texte enlevé, malgré la gravité des faits évoqués, qui transparaissent derrière l’apparence anecdotique d’un graffiti effacé (enfin, si comme nous, on ne juge pas l’art urbain essentiel à la vie), rend bien l’absurdité de ce qui est dissimulé derrière tout cela. Le racisme. L’idiotie. L’incurie des pouvoirs politiques. Quand on ramène les décisions prises à la hauteur de l’individu. De celui qui les subit.
Merci Danielle pour le plaisir que j’ai pris à lire votre texte, qui convenait bien à la bibliothécaire jeunesse que je suis.


Mais à Clacton-on-Sea ils ont chassé Banksy, par Wana Toctouillou @Wanatoctouillou
"Mais à Clacton-on-Sea ils ont gommé Banksy"
Un très beau poème-image, mettant en regard Bruxelles et Clacton-on-Sea. Liberté (peut-être) et censure. Un rythme obsédant. La répétition de ce qui s’est passé. Montre la stupeur que cela induit. Qu’à Clacton-on-Sea, on ait pu effacer Banksy. Bruxelles, la ville sombre, la ville de la bande dessinée, s’habille de graphismes. Sous toutes ses formes. Alors. Quand on y habite. On ne peut qu’être étonné. De ça. Cet effacement. D’un geste créateur aussi fort. Un poème-stupeur donc... Stupeur partagée.


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Olivier Savignat et Eric Schulthess
Ils s’envoient réciproquement trois photographies, et en choisissent une.

Cosmogonie, par Olivier Savignat @oliviersavignat
"Mais j‘ai la tête ailleurs
je ne bois pas le lait du ciel
jusqu’à la lie
"
[joker, allez voir la recension de Brigitte Célérier]


Le fils du guerrier, par Eric Schulthess @eschulthess
"Aucune trace de sang sur le visage de la morte.
Nulle part d’ailleurs. Habits intacts. Sol intact.
Immaculée elle gisait.
Il lui sembla qu’elle avait chuté comme au ralenti dans ce parc où il se promenait chaque jour pendant des heures en espérant le retour de son père parti au front.
Il l’imagina s’écrouler en douceur, telle une feuille d’automne détachée de son rameau.
"
Le fil. Le fils. L’ambiguïté des mots écrits sur la photographie du carnet a emporté Eric dans une ronde macabre très belle. Une feuille de papier. Trouvée dans la poche d’une morte. Et la morte devient poétesse. On est en temps de guerre. La mort l’émeut si peu. Alors pourquoi elle. Un poème qui fait surgir un monde en ma petite caboche de lectrice. Un monde terne. Où l’art n’intervient que peu. Les armes oui. Mais une petite porte existe. Au bout du poème. Un destin se dessine.


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Dominique Hasselmann et Christine Simon
Le jazz. Les clubs de jazz. Ces quelques mots sont à l’origine de cet échange très érudit et galvanisant.

Jazz qui souffle, par Dominique Hasselmann @dhasselmann
"la musique zigzague, black and blue, file, folle, s’échappe vers d’autres horizons, saute, tressaute, s’enroule, se love suprême, s’élance, jaillit, orgasmique, jazz & jizz."
Un texte-danse qui se crache, se scande, s’éructe, qui m’a portée au seuil de l’épuisement, et pourtant. Lorsque j’ai eu fini de le lire, en reprenant mon souffle, je me suis rendue compte. A quel point j’avais pris plaisir à le lire. De cette manière.
Les phrases déboulent, heurtées, précises, font surgir telle ou telle figure importante du jazz. On la connaît ? On est heureux. On ne la connaît pas ? On a envie de la découvrir.


Comme dans une cage d’ascenseur, par Christine Simon anthropiatweete
"tu apprends que dans ce monde-là, on peut tenter l’improvisation d’un envol, dans ce monde-là, le déséquilibre n’est que provisoire, on le construit en machine imaginaire, suspendue au-dessus du bayou, qui frôle alligators et flirte avec aigrettes, buses à queue rousse et carouges à épaulettes, jusqu’à l’accostage, car il y a toujours un quai au bout du solo"
Un graph. Sphere. Un jazzman. Thelonious Sphere Monk. De cette mise en regard découle un texte. Sur le processus de création en soi, et sur celui de Thelonious S. Monk. Dont je n’avais jamais soupçonné qu’il y avait sphère sous roche. Et cette sphère cachée sonne comme un secret et une clé. De son oeuvre. Christine Simon explore cette piste. Et je l’écoute attentivement. Me faire découvrir un monde que je connais peu. La salive me vient à la bouche.


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Pierre Cohen-Hadria et Angèle Casanova
Au départ, une idée directrice : le camping. Et puis, des choix. Et puis, la chair qui s’agrège autour.

Lecture au camping, par Pierre Cohen-Hadria
"Tous les jours de classe, je me mettais à côté de lui, prenais un livre images et mots, et commençais à le faire suivre mot à mot, tous les jours, depuis ces trois années, et pas un mot ne parvenait à sortir de sa bouche. Je sentais bien qu’il apprenait, je le voyais, mais rien."
Un très bel oloé. Pas celui de Piero. Celui d’un autre. Un enfant. Évoqué dans ce récit. Un enfant qui ne savait pas lire. On dirait le titre d’un album pour enfants. Un récit initiatique qui verrait un garçon dépasser un bagage social lourd à porter, prendre son envol et entrer de plein pied dans la communauté des lecteurs. Mais, dans la "vraie vie", les enfants exclus le restent. La plupart du temps. Aussi, ce texte a des vertus magiques. Relève quasiment de la foi. Oui, il est possible pour un enseignant d’avoir une réelle influence sur la vie future des enfants. Oui. Et cela m’émeut jusqu’aux larmes...


je campe ma vie, par Angèle Casanova @PoivertGBF
"Ma queue sanglante, abandonnée là, seul souvenir de mon passage. De mon existence. Sans queue. En larmes. Pleine d’espoir. En l’avenir. Malgré cette boule d’amertume qui me fait dire que non il n’y a pas d’espoir, que je ne suis faite pour rien que pour camper ma vie et courir vite. Alors j’avance. Je participe. En surface. Mais en profondeur, je suis ailleurs. Et j’y reste. Et je campe. Ma vie."
[joker, allez voir la recension de Brigitte Célérier]


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Camille Philibert-Rossignol et Angèle Casanova
Un échange sur le feu.

La première allumette, par Camille Philibert-Rossignol @Kmillephilibert
"Grimper le flanc de l’Etna, un jerrycan vide sur le dos, de cavaler de quelques dizaines mètres dans son cratère puant l’oeuf pourri, tout en toussotant, de récolter du souffre en fusion, de remplir le jerrycan à ras, de remonter en toussant, d’essuyer le torrent de sueur, de gambader dans une descente de gravier calciné, à dévaler enfumée en claironnant à tue-tête - il était un petit pompier oh feu au feu..."
Un texte-cascade. Qui rue dans les brancards. Nous emmène de l’Etna à la mer en nous faisant prendre des vessies pour des lanternes. Non l’eau n’est pas de l’eau. Oui elle peut s’enflammer. Comme ça. D’un rien. Avec une simple allumette. Il faut dire qu’on l’a un peu aidée. Un jerrycan de souffre en fusion, c’est utile. La rage, ça la connaît, Camille. Et cette rage-là me va comme un gant.


le feu, par Angèle Casanova @PoivertGBF
"Construire un feu. Faire brûler. Vie. Mort. Souvenirs. Les miens. Dans le foyer. Y jeter tout ce qui a trait au feu. Réfléchir aux angles saillants. A ce qui dépasse. A ce qui coince peut-être. L’analyser. Le sublimer."
[joker, allez voir la recension de Brigitte Célérier]


Ne voulant pas être taxée d’auto-complaisance et de favoritisme envers conjoint, je laisserai à Brigitte Célérier le soin de commenter mes propres textes, ainsi que ceux d’Olivier Savignat. Je me contenterai donc, dans le cadre de mes lectures des Vases communicants, de proposer des citations de nos textes respectifs.

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