la femme de l’ogre
lundi 9 juin 2014
La femme de l’ogre ne dit rien.
Ce mutisme n’est pas pensé. Réfléchi.
Elle ne dit rien.
C’est tout.
De toute façon. Elle sait.
Qu’il n’y a rien à dire.
Que l’ogre est ogre.
Que c’est sa nature.
Aucun aveu n’y changerait rien.
Du fond d’une geôle, il resterait ogre.
Et qui les nourrirait. Elle et ses enfants.
Alors elle ne dit rien.
Elle ouvre la porte de sa maison aux gamins perdus qui s’y présentent.
Elle ne leur dit pas. Qu’ils sont dans la maison de l’ogre.
Elle ne les prévient pas.
Elle les accueille.
Elle les nourrit.
Elle les met au lit.
Elle les borde.
Aucun poucet n’est là. Pour épier quand l’ogre rentre et qu’elle lui sert à manger.
Aucun poucet n’est là.
Et puis. Il n’y a rien à épier. Rien n’est dit.
Elle se tait. Elle attend. Tête basse.
De toute façon. L’ogre. Il a reniflé les mouflets dès son arrivée.
Il sait qu’ils dorment là. Bien au chaud. Dans leur lit.
Qu’ils dorment là. A poings fermés. En confiance.
Il sait. Que la nuit est à lui. Qu’il a tout son temps. D’y aller. Après le dîner.
Il sait aussi. Qu’elle ne dira rien. Jamais.