par angèle casanova

déjanire, par Angèle Casanova

lundi 7 juillet 2014

Mon voisin, c’était le bouc-émissaire idéal. Il m’est tombé dessus comme une fleur. En même temps, j’ai eu le temps de le voir venir. Comme si un type qui t’épie entre deux pieds de troènes pendant que tu fais la vaisselle, tu pouvais le louper. Persévérant, avec ça. Qu’il pleuve, qu’il vente, il se postait là. Il n’y avait que mon idiot de mari pour ne pas s’en rendre compte. Faut dire. Il était bien trop occupé à texter à sa greluche en regardant la télé. Moi, finaude, je n’ai rien dit. Je l’ai laissé venir, le voisin. Ses tentatives maladroites pour m’aborder. A l’arrêt de bus. Puis partout. C’est bien simple, je ne pouvais plus mettre le nez dehors sans le croiser. Ça aurait été agaçant si je n’y avais pas trouvé mon compte. Alors j’ai tout supporté. Le jour où, à la boulangerie, je lui ai dit que j’avais mal au crâne et qu’il a spontanément sorti une boîte d’aspirine de sa poche, j’ai senti que je touchais au but. Que je pourrais faire quelque chose de cet épisode. Je l’ai acceptée théâtralement, à grands coups de merci monsieur, on peut vraiment compter sur vous, quelle joie d’avoir un voisin aussi aimable. Et puis plus rien. Je l’ai laissé se faire des idées. Jusqu’au jour où il m’a invité chez lui.
Après l’avoir repoussé, j’ai pris le temps de réfléchir. A la suite des événements. Dira. Dira pas. Lorsque mon mari est rentré, j’avais tout planifié. Je lui ai raconté que le voisin m’avait posé un traquenard, qu’il me cherchait depuis longtemps, que je n’arrivais plus à m’en dépatouiller. Bref. Qu’il devait lui donner une bonne leçon. Ni une ni deux, mon cher conjoint a passé la porte en rugissant, a remonté notre allée puis celle du voisin, et est allé frapper façon marteau-piqueur à sa porte. Comme personne ne répondait, il a fini par rentrer dedans à grands coups d’épaule. Jusqu’à la bousiller.
Lorsque la police est arrivée, mon mari était très occupé à distribuer des lattes. Pris sur le vif, il a fini au poste.

Et puis les choses sont rentrées dans l’ordre. Le voisin n’a pas porté plainte. Il s’est contenté d’aller à l’hosto et a ravalé sa fierté.

Quelques temps ont passé. Un matin, mon mari s’est plaint de maux de tête intenses. Il avait trop fait la bringue la veille au soir avec ses potes. Je n’ai rien dit. Je lui ai fait fondre un cachet d’aspirine dans un verre. Et j’ai attendu. De voir. Ce qui allait se passer. La mort au rat, c’est un bon moyen de se débarrasser des maris encombrants, mais ça prend du temps.

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