icare, par Angèle Casanova
vendredi 25 octobre 2013
La fenêtre est grande ouverte. Il fait bon. Le soleil inonde la rue et se réverbère en petits pinceaux lumineux sur les murs blancs de la pièce. Une porte s’ouvre. Un homme entre. Il marche. Lentement. En regardant fixement devant lui. Ses yeux aveugles à tout sauf à la lumière de la rue. Il la fixe. Et il traverse la pièce. Insensiblement. Un pied devant l’autre. Ses mains effleurent sa chemise. Un par un, les boutons sautent. Finalement, d’un mouvement sec, il libère sa poitrine. La chemise s’envole derrière lui. Voile au vent. Il avance. Encore. Ses lacets traînent au sol. Il se penche un instant, retire ses chaussures. Il les aligne et les dépasse. Ses doigts palpent la braguette de son jean. Il se meurtrit le pouce en repoussant les boutons vers l’intérieur. Il gigote en marchant. Tirant à deux mains sur la toile, il dégage une jambe puis l’autre. Son ceinturon le heurte au passage à la hanche. Bruit mat. Il lâche le jean en tas dans un cliquetis de métal, envoie valser son slip et continue sa marche au soleil. Le visage tourné vers la rue. Il reste immobile un moment. Ecoutant les bruits de la circulation. Regardant le ciel. Son corps tremble légèrement. Se couvre de sueur. Il chantonne en regardant dehors. Lentement, il appuie ses mains sur le rebord de la fenêtre, hésite. Son corps oscille au rythme de son atermoiement. Soudain, souple, décidé, il se dresse debout dans l’embrasure de la fenêtre. Ses pieds prennent appui sur le béton. Ses orteils s’agrippent, blancs aux jointures. Il ferme les yeux et, tous les muscles bandés, s’élance dans le vide. Son corps nu se déploie comme une aile. Le visage tourné vers le ciel, les cheveux ondulant vigoureusement au vent, il s’envole. Droit vers le soleil. Un moment, il le cache. L’atteint peut-être. Et puis, lentement, il décroît. Pique du nez. S’affaisse. Et disparaît de l’embrasure de la fenêtre. Dedans, les chaussures vacantes rappellent qu’il fut là. Et qu’il n’y est plus. Dehors, la rue est inondée de soleil. Une femme crie. Une voiture s’arrête en crissant des pneus. Des gens accourent.