par angèle casanova

à l’unisson de mon envie de dire ma solitude

vendredi 4 août 2006

Nous avons marché un bon moment avant d’arriver à bon port. Un square blotti au milieu de petites barres d’immeubles qui l’enserrent, et réverbéraient particulièrement bien la musique. Des notes s’élevant de ramures, de feuillages battus par le vent. Le ciel était peu engageant à notre arrivée.

Nous étions là pour écouter David Krakauer. Nous n’étions pas arrivées que nous entendions déjà sa clarinette gémir, hurler, crier sa joie d’être là, dans le vent.
Les gens étaient assis. Étrange, tout de même. Personne ne dansait, alors que tout incitait à la danse... Ce que je pouvais comprendre, puisqu’en concert, je préfère me concentrer sur ce que j’écoute, ne pas danser, résister à mon corps, pour être radicalement dedans. Mais ma cervelle danse dans mon crâne, mes muscles tressautent, mon cœur bat la chamade... J’ai l’impression que tout mon métabolisme se met à l’unisson de la musique. Et mes doigts qui bougent, qui appellent le stylo, qui supplient qu’on leur trouve du papier. Comme une fringale sexuelle. Toujours est-il que je n’ai pas bougé pendant tout le concert, même pas battu des mains, cela me déconcentre, je n’aime pas. Une jeune maman s’est levée, avec son nourrisson, et l’a entraîné dans une danse improvisée, seule au milieu d’un champs de têtes.

Clarinette, accordéon, guitare électrique... Tout se mélange dans ma tête.

A l’unisson de mon envie de dire ma solitude, et mon bien-être physique d’être là, dans l’herbe fraîche, que je sens à travers mon pantalon léger. De mon envie de changer de position, non, j’ai mal au dos, il faut que je dégage mes jambes, repliées sous mon menton, à l’abri dans mes bras. Ah... C’est mieux. Je vais rester en tailleur jusqu’à la fin. Mais pourquoi ai-je de si longs bras ?

A l’unisson de mon envie de dire ma solitude, de pleurer sur mon silence intérieur. De me blottir contre le premier venu, juste pour sentir un cœur battre contre mon oreille. Pas besoin. Le groupe chante une nouvelle chanson, inspirée par une coutume hassidique qui veut que les hommes tapent sur la table au cours de festins... Mon cœur s’accélère, cogne au rythme sourd de ce bruit suggéré. Soulagement.

A l’unisson de mon envie de dire ma solitude, de caresser l’air grenu, qui s’enflamme avec nous, baigné de musique. Qui s’enfle, tourbillonne, pour finalement pleurer de joie d’être là, dans ce square, respiré par nous, soufflé par Krakauer dans sa clarinette, remué par le nourrisson qui bat des pieds en gazouillant le plaisir d’écouter. Et c’est la pluie...

Moment d’égarement. La scène n’est pas protégée, les instruments !!!!! Krakauer intervient, dans un bon français, appelant au secours quelque bon samaritain qui détiendrait ô miracle un parapluie, pour continuer, coûte que coûte. Après pas mal d’hésitation, plusieurs spectateurs montent sur scène, affublés de leur parapluie. Et le concert reprend. Sous une ribambelle d’ombrelles. Champignons délicats abritant des insectes mélomanes.

A l’unisson de mon envie de dire ma solitude. De devenir onde et de m’évaporer dans le soleil retrouvé, de disparaître, dans un nuage de musique. Puis de revenir, le teint frais, le sourire aux lèvres, le pas virevoltant, prête pour une soirée parisienne, prête pour vivre, pour être jeune, jusqu’à plus soif.

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