par angèle casanova

guidé par le caillou

mardi 1er juillet 2014

Il prend le caillou en main. Le soupèse. Il est gros. Un peu moins qu’une pierre. Un peu plus qu’un caillou ordinaire. Un gros caillou. Irrégulier. Gris. Qui épouse agréablement la paume de sa main. Il le pose par terre. Et propose de jouer au foot. A tour de rôle, les trois enfants tapent dans le caillou. A coups de pied, ils traversent la place en courant. Il y en a toujours un pour griller celui dont c’est le tour. Le petit n’est pas en reste. Il se faufile à pas rapides et tape dans le caillou en rigolant. A l’approche de la rue, je lui prends la main. Fermement. Le rappelle à l’ordre. Il tient son caillou bien serré dans son poing fermé. Il traverse au passage piéton. Il me dit. Je suis le caillou. Le caillou, il me montre le chemin. Et puis, arrivé à bon port, il lance le caillou, de toute la hauteur de ses 5 ans. Le caillou, en heurtant le trottoir, fait un bruit mat, sonore, qui se répercute sur les façades de la rue. De loin en loin, il ramasse le caillou, le lance. Choc du caillou sur les dalles du trottoir. Bruit minéral. Presque métallique. Addictif. Je l’écoute. Je regarde la pierre cogner la pierre. J’attendrais presque, pour un peu, j’espérerais presque, voir surgir des étincelles.

Le petit, tout du long, il dit. Je suis le caillou. Il me montre le chemin. Il me montre le chemin.

Non. Petit. Tu ne te perdras pas. Mon Hänsel. Mon Poucet. Tu ne te perdras pas. J’y veillerai. Je serai ta mie de pain. Tes cailloux gris. Je te mènerai à bon port. Au chaud. Chez nous. Au fond de ton lit douillet. Où tu me parleras de ton amour des cailloux. Du bruit qu’ils font en cognant les trottoirs. Et des jeux avec eux. Les grands. Que tu aimes déjà.

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