par angèle casanova

spirale, par Angèle Casanova

vendredi 6 décembre 2013

Je cours. Des ennemis flous, indiscernables, me poursuivent. Je le sais. Ils sont derrière moi. Tout près. Je les sens. Tendre les doigts. Vers moi. Je cours. Silencieusement. Et puis je m’envole. Tout simplement. Je m’envole. Mon corps se tasse sur lui-même. Mes genoux ploient. Mes jambes se détendent. Je saute en l’air. Un bond souple. Les jambes profilées. Les bras tendus en avant. Prêts à saisir la rampe. De l’escalier.



 [1]


Je l’attrape. Comme un singe. Je me balance un court instant. Je m’arc-boute d’un coup sec. Mes jambes balaient l’espace. Et je m’élance dans le vide. L’escalier tourne autour de moi. Hypnotique. Une spirale qui n’en finit pas.



 [2]


Mon corps forme une étoile de bras et de jambes. Horizontale. Vertigineuse. Je me fais l’effet d’un écureuil volant. Exotique. Etrange. Je sais où je vais. Je sais quand exactement je vais tendre les mains vers la rampe. A quel étage. Je sais également où en sont mes poursuivants. Moins lestes, mais toujours à mes basques. La poursuite s’éternise. Je bondis. Je vole. Je freine ma chute en attrapant la rampe ponctuellement. Je m’arrondis et je repars. Maîtrisant la trajectoire. La vitesse. La nature de ma progression. Je vais là où finit l’escalier. La spirale m’attire comme une bougie les moustiques. Je ne vois plus qu’elle.



 [3]


Je me focalise sur le plaisir du vol. De la traversée. De cet espace étroit que je perce de mon corps. Comme un boulet de canon. Je fonce droit. Au milieu. A la fin. Au début. Sans hésiter. Singe gracieux concentré sur ses mouvements. Leur beauté. Leur fluidité. Sûr de lui. De sa capacité à échapper au prédateur. Qui n’a de cela que le nom. Des ninjas tout de noir vêtus peut-être. Des lions furieux. Des hommes en rut. Comment savoir. Ce qui importe. M’échapper. Sauter. De branche en branche. Toujours plus vite. Mouvements déliés. Toujours plus belle. Belle comme je ne le suis jamais. Je ressens un étonnement. Permanent. Face à ce que je réalise. Là. Comment est-ce possible. Le temps passe. Un instant. Une heure. Un siècle. Rien ne se passe. D’autre. Que cela. Cette poursuite. Cette fuite en avant.
Au cœur de ce dispositif, j’ai le temps de penser. Je prends du recul. Je plonge. Je reviens au début. Je rembobine. Mon existence. Peut-être qu’en tombant, je rajeunis. Peut-être qu’à la fin, je redeviendrai œuf. Spermatozoïde. Œuf deviné dans l’œuf qu’est ma mère. Rien peut-être. Suis-je motivée par le néant. La disparition. Pur mouvement. Plus rien d’autre. Je m’efface. Au fur et à mesure. Mes mains disparaissent. Encore capables de saisir, elles s’estompent pourtant. Mes pieds sont-ils encore là. Je ne me retourne pas. Cela briserait mon élan, et je serais peut-être rattrapée par mes poursuivants. Alors je tombe. Sans fin. En me dissolvant. Sans en être sûre. L’escalier se fait plus réel, au fur et à mesure. Je ne vois pas le sol. Quel qu’il soit. J’ai l’impression de tourner avec la rampe. De tourbillonner. La tête me tourne. N’en finit plus. Je vais plus vite que la matière. Plus vite que le temps. Plus vite que l’expansion de l’univers. Je retourne au primordial. Au big bang. Je deviens pure lumière…



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Texte initialement publié sur artobazz, le blog de Zéo Zigzags


[1Par Garitan (Travail personnel) [CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons

[2Par Aphranius (travail personnel) [CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0) or GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html)], via Wikimedia Commons

[3Par Mallowtek (Travail personnel) [CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons

[4Par Ronnie Macdonald de Chelmsford, Royaume-Uni [CC-BY-2.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/2.0)], via Wikimedia Commons

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